Quand Marseille spoile la stratégie de Netflix. Episode 2, Le placement de produit

Quand Marseille spoile la stratégie de Netflix. Episode 2, Le placement de produit

Dès l’annonce de sa production, la série Marseille a été qualifiée de « House of Cards à la française ». La comparaison est-elle supportable? Pas vraiment. Mais il existe des similitudes entre les deux séries qu’il est intéressant de détailler, tant elles sont révélatrices de la stratégie de Netflix sur son offre de contenus originaux.

Il est toujours tentant d’inscrire un projet dans la lignée d’un succès. Ca simplifie le pitch, et ça suscite l’intérêt du public tout en rassurant les investisseurs. Mais soyons clairs : Marseille, House of Cards… rien à voir ! [Attention spoiler : l’intrigue de Marseille se rapproche plus de celle de Boss (Starz, 2011), ou de celle de Jean de Florette – fin du spoiler]. Comme nous l’avons vu précédemment, la dernière-née de Netflix se rapproche néanmoins de sa cousine américaine par son ambition globale. Et c’est surtout par son mode de financement que Marseille illustre sa filiation avec House of Cards.

Pas de financements publics, mais du placement de produit

HouseofcardsDubkinDonutsSur Netflix, pas de coupures pub, ni pre-roll, mid-roll, post-roll ou over-roll. Le business modèle c’est l’abonnement. Mais avec un budget de 1 million d’euros par épisode, Marseille se situe dans la fourchette haute des budgets de production. Et ce sans recours à aucun financement public, en cohérence avec sa stratégie d’indépendance par rapport au système français de financement de la création. Du coup ça pique un peu, et les petites astuces budgétaires sont les bienvenues.

Afin d’alléger la facture Netflix a donc recours au placement de produit, pratique somme toute assez courante, qui consiste à faire apparaître à l’image la marque de produits ou services, en contrepartie d’une participation au financement de la série ou de la mise à disposition de matériel. Le placement de produit se veut native, c’est à dire intégré au contenu. Il implique également que le produit soit au service de la scène, et non l’inverse.

Les gros plans sur l’écran d’accueil des smartphones

Capture d’écran 2015-12-14 à 16.20.22Si le contrat semble respecté dans House of Cards, le placement de produit n’est pas sans douleur pour le spectateur qui découvre Marseille. Ordinateurs, smartphones, médias, protéines alimentaires… la mention et l’affichage de marques donne une impression d’omniprésence. Et on finit par ne plus voir que ça. On en viendrait presque à préférer des coupures pub franches et nettes.

Le summum est atteint avec les gros plan sur l’écran d’accueil du smartphone de monsieur le maire, où l’application Netflix figure en bonne place. Pour rappel le personnage de Robert Taro, interprété par Gérard Depardieu, a 65 ans bien tassés et n’a rien d’un geek : plutôt ancienne école, pas fan des réseaux sociaux, ne s’intéresse qu’à sa mairie… et on voit bien qu’il préfère consacrer ses rares instants de liberté à sniffer plutôt qu’à binger sur Netflix. Peu crédible, cette mise en avant de l’appli brouille la caractérisation du personnage, et nuit à l’intrigue. Ce qui aurait pu être un clin d’oeil discret à la communauté des abonnés Netflix apparaît comme une grossière autopromotion.Capture d’écran 2016-05-11 à 21.07.20

Très attendue, très médiatisée, et très exposée avec la diffusion de deux épisodes sur TF1, Marseille était pourtant le premier grand rendez-vous de Netflix avec la France. Et l’occasion de rectifier une image encore trop souvent qualifiée de low cost. A titre de comparaison, chez Canal Plus, afin de préserver le caractère premium de l’offre, la règle est simple : pas de placement de produit dans les productions maison, on ne fait pas payer l’abonné deux fois pour le même contenu.

La publicité a-t-elle sa place dans une offre payante?

On se souvient qu’aux Etats-Unis c’est la surabondance de publicité sur les networks gratuits qui a fait le succès des chaînes à péage sur le modèle de HBO. La réintroduction de messages publicitaires, quelle que soit leur forme, dans une offre par abonnement pourrait donc paraître incongrue. Pour autant la publicité en général, et le placement de produit en particulier, ne sont pas des sources de recettes à exclure a priori d’une offre vidéo, même payante. La seule condition étant que les messages commerciaux soient aussi frictionless que possible, et que l’abonné s’y retrouve. Soit du fait d’un tarif d’abonnement revu à la baisse, comme chez Hulu. Soit du fait d’une amélioration notoire de l’expérience-abonné par rapport à la concurrence : qualité des contenus, convivialité de l’interface,…

MARSEILLE-Netflix-Série-TV-télévision-Image-10-Depardieu-Magimel-Marseille-Farès-2016-Go-with-the-BlogDes attentes qui pourraient être davantage prises en compte par Netflix. D’autant que de nouveaux acteurs continuent de se positionner en France et en Europe sur le terrain de la SVOD, et certains avec pour cible revendiquée un public plus exigeant, celui-là même qui semble délaissé par Netflix. France Télévisions lancera une offre en mars 2017. Amazon annonce également son arrivée en France, à une date encore indéterminée. En mettant en avant sa volonté de soutenir les films d’auteur, la création, et la sortie des films en salle, le géant de l’e-commerce semble prendre très au sérieux les spécificités du marché français pour mieux se distinguer de son rival américain.

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